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Détour aérien par l’Arabie Saoudite


Ami lecteur, quand tu voyages sur Saudi Arabian airlines, laisse-moi te dire que le dépaysement intervient avant même d’avoir quitté le tarmac de Roissy. Démonstration en quatre exemples. > L'étonnement frappe tout d’abord lorsqu’on aperçoit ce monsieur en serviette de bain qui lève les bras pour ranger son bagage à main, régalant les passagers de son torse nu et de ses aisselles poilues. Il porte une serviette blanche autour de la taille et une autre sur les épaules, nouée façon cape de super héros. On jurerait qu’il sort d’un sauna et qu’il s’apprête à piquer une tête dans la piscine - sauf qu’on n’est pas en thalasso à la Baule, on est dans un avion direction Djeddah, en Arabie Saoudite

Au fil des heures, de plus en plus d’hommes sortent des toilettes en serviettes, jusqu’à mon voisin, qui revient s’asseoir enveloppé d’un magnifique drap nid d’abeille. Je lui ai demandé ce que c'était que cette histoire. Il m’a expliqué qu’ils partaient tous en pèlerinage à la Mecque, et que c’était la tenue réglementaire. Ensuite, ils se sont mis à chanter des prières tous ensemble.

«- Voilà, là on commence à chanter et on ne s’arrêtera qu’une fois arrivés à la Mecque. - Ah oui quand même ».

Il restait trois heures de vol.

> Au décollage, une prière délivrée par une voix d’outre tombe implore Allah de ne pas planter notre avion. On a quand même des masques à oxygène et des ceintures de sécurité, des fois qu'Il déciderait de n’en faire qu’à sa tête.

> Un peu plus tard, ton amie journaliste a lancé « Seul sur Mars », le film où Matt Damon est seul sur Mars. Je n’ai pas compris tout de suite pourquoi un des seuls personnages féminins du film avait une sorte de tâche sur la gorge. J’ai même frotté l’écran, mais en réalité il s’agissait de censure, ami lecteur. Le cou de cette actrice -on ne parle pas de ses seins hein, manifestement impudique, avait été flouté pour préserver la morale des spectateurs. C’était encore plus compliqué pour ma voisine, qui avait choisi de regarder « Les deux amis » de Louis Garrel. « - J’ai rien compris. Ils couchent pas ensemble, les deux ? - Ben si, c’est même le nœud de l’intrigue », que j’ai dit, parce que j’ai vu le film (qui n'a pas besoin d'être tronqué pour être tout naze). Saudi Arabian Airlines n’hésite pas à couper les scènes olé olé, même si ça a pour effet de rendre le film absolument inepte.

> Pour finir, et comme le vol est long, je me suis mise à feuilleter The Saudi Gazette, un journal écrit en anglais. La rubrique intitulée « In good faith » (« De bonne foi ») est consacrée aux questions religieuses. L’article s’intitule sobrement « Etre un martyr ». « Contrairement à ce qu’avance la propagande des médias occidentaux, tuer un innocent ne fait pas de vous un martyr, mais un assassin ». Ca commençait plutôt bien.

On est plus nuancé à la lecture de la suite : est martyr celui qui se défend parce qu’il se sent persécuté en tant que musulman, affirme l’auteur.

Et à partir de la deuxième colonne du texte, on hallucine franchement. Sont considérés comme des martyrs -tiens-toi bien ami lecteur : celui qui meurt de la peste, celui qui succombe à une maladie de l’intestin, celui qui se noie, celui qui est écrasé par un bâtiment qui s’effondre.

Tous ceux qui endurent une mort lente et douloureuse peuvent se porter candidats. Il parait que certains érudits considèrent que les cancéreux sont également des martyrs, s’ils en chient suffisamment avant de mourir. Idem pour les femmes qui meurent en accouchant.

Heureusement l’article termine sur une note positive avec cette astuce formidable : si tu fais bien tes prières et que tu jeûnes trois jours par mois, tu es récompensé par le titre de martyr.

« Welcome to your world » (« Bienvenue dans votre monde »), comme dit le slogan de la compagnie Saudi Arabian airlines.



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