Se réconcilier avec la SF post-apocalyptique
Ton ami chômeur (Dieu le garde de trouver du travail) propose de t'initier à des pans de la littérature que tu délaisses volontiers (par snobisme, reconnais-le) (si). Il est temps de changer d'avis.
C'EST PAS L'GENRE DE LA MAISON
Par Ton ami chômeur
Dans cette nouvelle rubrique, aventurons-nous au delà des frontières imperméables des genres littéraires.
Première destination exotique : la science fiction post-apocalyptique (je sais, ça fait pas franchement rêver comme ça ; mais justement, on est là pour chambouler nos idées reçues).
Non, ce sous-genre prolifique n’est pas l’apanage d’une communauté obscure de geeks à queue de cheval. Tout le monde commence à s’accorder sur le fait que la planète est en péril, du coup les récits de rescapés du jugement dernier se répandent comme un virus contagieux incurable. Récits auxquels s’ajoutent les guides de survie en bunker anti-atomique et les manuels d’auto-défense à l’usage des proies des mort-vivants.
Le livre d’aujourd’hui est un voyage épique et périlleux, loin, très loin de ta zone de confort culturel. Il s'agit de Terminus Radieux, d'Antoine Volodine.
De l'auteur, on sait peu de choses. Mystérieux romancier étiqueté SF, il se revendique porte-parole du « post-exotisme ». "Antoine Volodine" n’est en fait qu’un des différents pseudonymes derrière lesquels se cache le romancier (quatre faux-noms identifiés à ce jour, avec lesquels il signe moult romans.) Volodine est un exégète de littérature russe, il a enseigné la langue et traduit de nombreux ouvrages. Après 30 ans de boulot, son dernier roman Terminus Radieux est publié en 2014.
Illiouchenko, Vassilia & Kroener sont les trois « camarades de désastre » qui nous embarquent dans leur (dé)route. Ils évoluent dans univers colossal mais très cohérent : une Russie dévastée, post-soviétique / post-nucléaire. Une sorte de futur antérieur, un décor de Mad Max bolchévique en Sibérie, teinté de surréalisme et de poésie slave. On est transporté à travers de vastes plaines enneigées où errent des soldats perdus et des milices de mercenaires. Dans des steppes fantastiques, on croise des vaches ensauvagées qui s’abreuvent d’eaux radioactives et des poètes chamans aux rites inquiétants.
Le point de mire de cette odyssée onirique : Terminus Radieux, un kolkhoze perdu dans la taïga, contaminé par des expérimentations nucléaires qui ont tourné à la déconfiture. La petite société de ce village en friche s’organise au rythme d’une pile à combustible caractérielle qui assure l’énergie du village mais semble surtout leur rôtir le ciboulot.
L’expérience de lecture est hypnotique : Volodine s’affranchit de tous les dogmes du récit, il compose un ensemble singulier de paysages, de personnages géniaux, invente une langue au vocabulaire propre. On est plongé dans les profondeurs sombres de l’âme slave, on rit beaucoup, aussi. Dans ce miroir tendu par l’auteur se révèle peu à peu le reflet trouble et cynique de notre propre société.
Le livre a eu le prix Médicis 2014 et prix de la page 111 en 2014 (prix génial créé par Radio Nova qui récompense chaque année le bouquin qui détient la meilleure page 111 : le lauréat se voit remettre un exemplaire encadré de sa page et un droit d’antenne illimité sur la radio pendant un an).
Ci-dessous une liste non exhaustive de classiques de la science-fiction post-apocalyptique et du roman d’anticipation : 1984 de Georges Orwell ; Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley ; La Route de Mac Carthy ; Les Androïdes rêvent-ils de Moutons Électriques ? de Philip K. Dick (adapté au cinéma en 82 par Ridley Scott sous le titre Blade Runner)
Notre Amie Journaliste m’a aussi vivement recommandé Ravage de Barjavel. Et d’ailleurs -Fan-Alert-Exclu- : vous pouvez écouter ce conseil dans l’émission radio « Je Bois donc je Lis » où elle s’empare du micro avec la même gouaille savoureuse qu’à l’écrit !
L'auteur
Carte de demandeur d’emploi en poche, Ton ami chômeur peut s'envoyer un film sud-coréen à la séance de 10H, puis flâner avec négligence dans une expo d’art contemporain à 25 balles.
Rends-lui service, envoie-le en mission en lui soumettant tes requêtes.
Ses billets précédents :
La Petite femelle, de Philippe Jaenada
Les bienfaits de l'Ayahuasca, sans les désagréments