#PassionCoulisses – L’interview par téléphone
Suite de notre exploration du monde merveilleux de la production journalistique.
Sache, ami lecteur, que nous autres journalistes passons le plus clair de notre temps au téléphone. Il parait que jadis, d'intrépides reporters se déplaçaient en France (et même ailleurs) pour enquêter. Aujourd'hui, la principale qualité d'un journaliste réside dans son habileté à dégoter des 06.
Mener un entretien téléphonique requiert cependant un certain nombre de talents : caler le combiné sous le menton (les rédactions ne sont pas équipées de casques sans fil), écrire vite, réagir à ce que dit l'interlocuteur, poser les questions opportunes. Tout en même temps. Je sais, c'est bluffant.
Il arrive qu'on se loupe.
On compose un numéro, le 12ème de la matinée. Pendant que ça sonne, on jette un œil à la boîte mail, ou, pire, à Facebook. Le temps que le type décroche ("Allo ?"), catastrophe, on a oublié qui c'était.
Autre écueil : pendant l'entretien, l'interviewé se lance dans une interminable logorrhée. On pense que ça va s'arrêter, on reste alerte, tel un fauve prêt à bondir. Mais ça ne s'arrête pas. On finit par être bercé par le flot de paroles, on prend nos aises, on note sans vraiment écouter... Quand soudain, point final : c'est à nous de parler. Évidemment à ce stade, on n'a plus aucune idée ni de ce que la personne disait, ni de la question suivante. Panique.
Les techniques pour se sortir du bourbier sont variables. On peut gagner du temps en enchaînant une dizaine de formules creuses ("D'accord, donc en fait, est-ce qu'on pourrait dire, d'une certaine façon hein évidemment il ne s'agit pas d'en faire une règle générale, que, peut-être...") en attendant que vienne l'illumination de la question suivante. On peut aussi répéter les derniers mots prononcés par l'interviewé, en y ajoutant un point d'interrogation final, ce qui a généralement pour effet de remettre une pièce dans le juke-box. Astuce : ça fonctionne d'autant mieux si l'interlocuteur adore s'écouter parler (CF le #PassionCoulisses sur "le bon client").
Dur métier.