supreme-volaille

On est sur un suprême de volaille


Ami lecteur, n'ayons pas peur des mots : nos tics défigurent notre langage, et appauvrissent nos vies, unissons-nous pour leur faire la peau.

Examinons aujourd'hui cette curieuse tournure : "On est sur Paris", ou bien "sur un suprême de volaille".

On connaissait déjà l'erreur, très répandue, qui consiste à se situer géographiquement en utilisant la préposition « sur » : « Je suis sur Bordeaux ce week-end. ». En réalité, vous serez plutôt « à » Bordeaux. Les chances pour que vous soyez effectivement « sur » la ville sont minces, compte tenu de la corpulence moyenne d'un être humain (sans commune mesure avec l'envergure d'une agglomération). 

Vous pouvez éventuellement marcher « sur Rome », comme les fascistes au temps jadis. Mais cela signifierait que vous êtes en train d'avancer « en direction de » Rome, et non que vous êtes « dessus ».

Une curieuse velléité de conquête nous incite à vouloir montrer à quel point nous dominons la situation. De toute notre hauteur, et même si ce n'est pas franchement crédible. C'est vrai pour les lieux où nous allons, ça l'est aussi pour ce que nous avalons.

Les néobistrotiers s'échinent à annoncer qu'« aujourd'hui on sera sur un suprême de volaille », quand il est évident qu'on ne tiendra jamais à plusieurs sur le pauvre animal. « Tu pars sur quoi, toi ?" "J'étais plutôt sur les linguine. » Les cavistes expliquent qu'on est « sur un boisé fruité », « sur de la fraîcheur » ou « sur quelque chose d'un peu plus robuste ». Alors qu'à l'évidence nous ne sommes nulle part. Et plus sûrs de rien.

(Dessin de Jiho et texte parus dans Marianne #975, pour ceux qui suivent)



Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*