L’ASMR : le truc qui va changer ta vie (peut-être)
Ami lecteur, il faut que je te parle. J'ai conscience que tu peux te moquer (m'en fous, je ne te vois pas), mais c’est trop important, il faut que je te délivre ce message de santé publique. Et tant pis pour les conséquences.
Il y a quelques mois, une amie m’a parlé d’une bande d’agités du bocal qui postent des vidéos aux frontières du réel sur YouTube. Ils prétendent nous faire accéder à un « orgasme du cerveau » en se brossant les cheveux, en caressant des feuilles de papier ou en tapotant leurs ongles sur la table. Tu penses bien que je me suis précipitée, mon cynisme en bandoulière.
Et là, la révélation. Des frissons qui partent de l’arrière du crâne, qui se répandent dans la colonne vertébrale… J’étais au bureau ; j’ai dû arrêter la vidéo. J'étais en extase, c'était gênant.
Ils appellent ça ASMR, Autonomous Sensorial Meridian Response. C’est à dire qu’ils ont mis un mot, et même mieux qu’un mot, un acronyme, sur un phénomène que je pensais être la seule à ressentir. Car oui, j’avais déjà relevé que le fait de regarder quelqu’un dessiner, par exemple, me mettait en transe. Mais je ne disais rien. Parce que je craignais de faire fuir le dessinateur si je m’accrochais à sa cheville en le suppliant de continuer. J’avais aussi remarqué que la voix de la prof de yoga quand elle nous guide dans la relaxation à la fin du cours me procurait un plaisir venu d’ailleurs. Je découvre à mon âge (avancé) que nous sommes des millions dans ce cas.
La page Wikipedia sur l’ASMR disparait et réapparait au fil des controverses entre ceux qui savent, et ceux qui crient à l'imposture. Mais ton amie journaliste est formelle, ça existe. Si tu n’y es pas sensible, tu penseras que ces gens sont restés perchés après un acide. Mais si ça marche, ami lecteur, c’est un nouveau monde qui s’ouvre à toi.
Aujourd'hui, je comprends ce que ressentent ceux qui sont accro au porno. J'attends d'être seule chez moi, je vais chercher mon ordinateur, je me cale dans le lit... Et si j'entends du bruit, je rabats l'écran avec précipitation. Qui pourrait comprendre, comme ça, sans explication, que je prenne mon pied devant une fille qui fait semblant d'être une hôtesse de l'air (une de mes vidéos préférées) ? Qui me croirait si je dis que ces sensations n'ont absolument rien de sexuel ? Mais qu'elles dépassent en intensité beaucoup des orgasmes que j'ai eu l'occasion d'expérimenter (no offense) ?
GentleWhispering est devenue un personnage central dans ma vie. Elle est maquillée comme une chanteuse de variété, parfois elle parle en russe et je ne comprends rien de ce qu’elle dit, mais cette femme me met dans un tel état de volupté que je m’endors en cinq minutes chrono.
C’est une découverte qui a tout changé. Un peu comme le jour où j'ai compris que les sorties d'autoroute étaient numérotées.