Inde, la vérité
Ce matin, en lisant The Times of India, j’ai appris que Brian Williams, présentateur-vedette de la chaîne américaine NBC, a été viré par qu’il a « exagéré » une anecdote de guerre. Il avait raconté avoir été pris sous le feu des balles à bord d’un hélicoptère en Irak ; d’après les militaires qui étaient avec lui ce jour-là, Brian Williams est surtout un gros mytho.
Comme je n’ai pas envie qu’il m’arrive la même chose, je ne vais pas te la faire, ami lecteur. Dans la dernière lettre, j’expliquais que j’allais enfiler une robe de bure et passer la journée à méditer sous un arbre dans un ashram tenu par la réincarnation de Demis Roussos (voir photo ci-contre). J’avais dit que tu n’entendrais plus parler de moi pendant plusieurs jours, or me voilà.
Bon. Ca ne s’est pas exactement passé comme prévu. A mon arrivée, un monsieur m’a expliqué que la cantine avait fermé, qu’il n’y avait pas de méditation guidée, et que d’ailleurs, il ne trouvait aucune trace de ma réservation. Comme je suis encore un peu soumise aux lois de mon corps, je dois sortir de l’ashram pour me nourrir… Et du coup je me connecte à Internet, je bouffe des cheesecakes, j’ai racheté des clopes, enfin c’est complètement raté.
Ma première nuit dans l’ashram a été marquée par une rencontre fiévreuse avec un singe qui a absolument tenu à ce qu’on dorme tête-bêche, lui sur le balcon, moi dans le lit, séparés par un grillage d’une finesse inquiétante.
La seconde nuit, marteau-piqueur et musique Machina : j’ai eu l’impression d’essayer de dormir sur un chantier sur la Costa Brava. A 23H, ton amie journaliste est sortie, en chemise de nuit, hirsute, et a hurlé sur les ouvriers en faisant de grands gestes vers une montre imaginaire. Ils m’ont répondu en Hindi, et ont continué leur ouvrage. En musique.
Si bien que, ashram ou pas, quand je me suis pointée à la réception le lendemain à 8H pour dire que je voulais « my money back », laisse moi te dire ami lecteur que je n’étais pas du tout remplie d'amour. C’est alors que le monsieur pas si sympa m’a indiqué que j’avais fait un « don » à l’ashram, et qu’on ne rembourse pas un don. C'est un contre-sens absolu, une impossibilité cosmique. Il a néanmoins concédé à me changer de chambre. Je loge désormais dans le « yoga garden », au beau milieu des perchés habillés en blanc qui suivent un stage intensif de vérité. Voilà qui me permet d’observer d’un peu plus près cette drôle de faune.
Les gens en blanc sont obsédés par le nettoyage de tuyaux intimes que personne n’aurait songé à nettoyer. Comme le côlon par exemple (une pratique sur laquelle je refuse de me renseigner). Ou le nez. Pendant ses exercices matinaux, l’apprenti yogi souffle par une narine, par l’autre, des centaines de fois d’affilée, morvant allègrement sur son malheureux tapis. Si c’est insuffisant, il peut s’aider d’un petit arrosoir (dont j’avais parlé ici, à une autre époque). Dans la rue, des nettoyeurs professionnels proposent de finir le boulot en réglant son affaire au conduit auditif. On les repère aux morceaux de coton qu’ils portent au-dessus des oreilles (astuce), et aux outils de fer qu'ils portent à la ceinture et qu’ils entendent enfoncer jusqu’à Vishnu sait où.
En plus de leurs étranges rituels d’hygiène, les gens en blanc peuvent passer de longues minutes à se regarder sans cligner des yeux (c’est flippant), ils hurlent parfois tous ensemble, et ils secouent frénétiquement leurs mains vers le ciel. Mon défi de la semaine : établir un contact avec eux.