Houellebecq s’en fout
"Pourquoi le livre de Houellebecq n'est absolument pas islamophobe, et pourquoi tous les journalistes relaient cette idée fausse". Requête de Stéphanie, traitée par moi-même
Comme beaucoup de gens, ton amie journaliste en a ras le pompon de ce terme « islamophobie », craché comme la pire des insultes à toute occasion. En réalité, les victimes de « phobies », que ce soit d’une religion ou des araignées, devraient avoir toute notre compassion. Car la peur, qui freine, qui paralyse, ou qui fait grimper sur les tables en agitant les bras, est un sacré handicap. Pour info, une bonne TCC (thérapie comportementale cognitive) fait parfois des miracles. Ton amie journaliste a côtoyé de près quelqu'un qui ne prenait l'avion que sous la menace, et qu'un cocktail Lexomyl/vin blanc rendait inopérant plusieurs jours après l'atterrissage. Et bien il est guéri. #Espoir pour nos camarades islamophobes.
Mais les TCC, Michel Houellebecq s’en tamponne, car il n’est nullement paralysé par la peur, il s’en fout. De tout, et royalement, comme les authentiques désespérés. « Islamophobe » est donc une erreur sémantique ; ce dont l’accusent ses détracteurs, c’est de racisme, tout bêtement.
Les premiers journalistes à avoir soupçonné son dernier livre de racisme n’avaient, de leur propre aveu, pas encore lu le livre. Le seul pitch, « une France gouvernée par un parti musulman », avait suffi à faire naître l’angoisse dans leur poitrine délicate. Car, amie lectrice, sache que certains de mes confrères sont atteints d’une autre phobie : celle d’être eux-mêmes soupçonnés de racisme.
La peur amenant des comportements irrationnels (cf plus haut), ils ont en effet été quelques-uns à grimper sur les tables en brandissant comme des gousses d’ail les formules magiques : « climat nauséabond », « dangereux » et bien sûr le célèbre « fait-le-jeu-de-Marine-le-Pen ». Les plus atteints de soupçonderacismophobie ont continué leur petite danse même après lecture du livre. Mais, rassure-toi amie lectrice, s’ils crient très fort, ils ne sont en réalité pas si nombreux, et à vrai dire, ce sont toujours les mêmes, Sylvain Bourmeau et Laurent Joffrin en tête.
Soumission n’est bien sûr ni islamophobe ni raciste : c’est un roman d’anticipation qui décrit un monde politique et médiatique paralysé par la peur, de manière assez réaliste, comme le prouvent bien les réactions sus-mentionnées. Son personnage principal, déprimé et profondément déprimant, se laisse doucement séduire par la religion, et pour cause : le discours des convertis sur le déficit de spiritualité des sociétés occidentales est lucide et plutôt convaincant. Finalement, pourquoi pas, se dit le narrateur. Attention anecdote : ton amie journaliste a rencontré en Inde un jeune Français en quête de lui-même qui a trouvé que la société décrite par Houellebecq vaut bien mieux que le capitalisme chevronné qui nous sert d’horizon spirituel. Et ça pour le coup, c'est vraiment flippant.
Néanmoins, ton amie journaliste ne recommande cette lecture qu’assez mollement. Dans son anticipation du futur, Soumission oublie complètement les femmes, qui se laissent évincer de la société comme si de rien, ce qui me parait à la fois peu crédible et idiot. Tant sur le fond que sur la forme, il a semblé à ton amie journaliste que c’était un livre écrit un peu vite, d’une intelligence beaucoup moins fulgurante que d’autres, comme Plateforme, pour ne citer que celui-là.