Comment j’ai failli avoir l’esprit Canal
Cette période de fin d'année scolaire, où les animateurs télé changent de chaine en multipliant les adieux émouvants, me parait propice pour raconter une anecdote que j'ai longtemps tenue secrète. Ton amie journaliste a eu rendez-vous –tiens-toi bien ami lecteur-, avec une "chasseuse de talents" de chez Canal +.
Dans les locaux d’Universal, maison mère de Canal et maison tout court de Vincent Bolloré, s’étalent les portraits des personnalités découvertes par mon interlocutrice : Doria Tillier, Kyan Khojandi, Alex Lutz... Je rentre dans le bureau de la dame, qui s’avère charmante, et plus efficace qu’un médecin du travail. En moins de cinq minutes, elle a estimé que j’avais « la tête bien faite » et que j’étais apte à faire de la télévision.
Elle m’annonce que je vais passer un "casting caméra", très vite, demain peut-être, et me conseille de ne rien raconter de trop compliqué : « Les gens REGARDENT la télévision ; n’essayez pas de développer plus d’une ou deux idées, grand maximum ».
Sitôt sortie de l'antre du grand Capital, ton amie journaliste a commencé à se prendre la tête. Qu’est-ce que je fais chez Universal, bon dieu ? Canal + ? Vraiment ? Ce rire moqueur, ces émissions creuses, ces chroniqueurs qui bataillent pour placer une malheureuse formule choc ? Ai-je vraiment envie de participer à ça ? Et en même temps, j’ai le sens de l’aventure ami lecteur, et je vois bien que je développe des escarres sur le cul à force de rester assise dessus.
Alors je me suis posée des limites : je ne ferai pas la météo, c’est non. Et je ne me mettrai pas à poil non plus. Enfin si, peut-être, mais alors vraiment sous certaines conditions, on ne me fait pas faire n’importe quoi, à moi. J’ai retourné ces questions cent fois, j’ai avancé, reculé, pris des grandes décisions, mon éthique en bandoulière... C'était il y a trois mois ; personne ne m'a jamais rappelée.
Il y a un an, il m'était arrivé la même chose avec une proposition de taf dans un journal de droite... qui n'est jamais arrivée. Conclusion, ton amie journaliste est irréprochable. Sans doute parce qu'on ne lui laisse pas vraiment l'occasion de déconner, mais c'est un détail.