Cannes : pourquoi tant de bouses ?
Chaque année, on nous martèle que Cannes, c’est le festival de cinéma le plus prestigieux de notre système solaire, le top du top du film d’auteur, la quintessence du 7ème art. Et pourtant, chaque année, la critique malmène, voire défonce, une bonne partie de ces « chefs d’œuvre ».
Alors que le festival s'est achevé la semaine dernière sur le couronnement de Ken Loach, il est temps de faire les comptes. Et bien ami lecteur, ils ne sont pas brillants. Six films sur 21 ont été littéralement étrillés. Soit un tiers de la sélection officielle. Tout de même.
Un exemple (parmi tant d'autres recensés à la fin de cet article) :
Ce qui pose une première question : comment ces films sont-ils sélectionnés ?
Pas moins de 1869 longs-métrages ont été visionnés afin d’établir la short list de la compétition officielle. Comment expliquer que sur les 21 films retenus, on se retrouve au final avec une forte proportion de films moyens, bof-bof, voire complétement nazes, sachant qu’ils sont sélectionnés parmi les meilleurs du monde entier ? En d'autres termes : pourquoi n’y a-t-il pas que de la pure bombe de film en sélection officielle ?
Pour élucider ce mystère, il convient de se poser une deuxième question : qui visionne ces 1869 films pour sélectionner les 21 merveilles qui pourront prétendre à la Palme d’or ? Un panel de professionnels de la profession réunis sous la forme d’une Académie, comme c’est le cas pour les Oscars ? Une équipe de cinéphiles hardcore, triés sur le volet, enfermés pendant un an dans une cave équipée d’un home-cinéma et d’un projecteur 4K, et à qui on passe de la nourriture par une trappe ?
Non, c’est Thierry Frémaux. Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, est le seul et unique responsable de la sélection. Il est cependant « assisté » par plusieurs comités, dont le pouvoir n'est que « consultatif ». Le premier, dit « groupe des jeunes », établit une présélection. Le deuxième comité visionne les films français, et le troisième les films étrangers. Mais après, libre à Thierry Frémaux de choisir les films qu’il veut.
Ce qui pose une dernière question cruciale : pourquoi la sélection officielle du plus prestigieux festival de cinéma du monde contient un bon paquet de films ratés ?
Réponse (cochez la proposition qui vous convient) :
A. Les critiques cinéma n’y connaissent rien
B. Thierry Frémaux (et son comité de sélection consultatif) n’y connaît rien
C. Les films ne sont pas sélectionnés uniquement pour leurs qualités artistiques
...
Et pour finir, un petit florilège de critiques sanglantes -c'est cadeau :
American Honey, d’Andrea Arnold (Prix du jury)
Le Monde : « Un road movie sans âme. »
Télérama : « Un road trip américain qui a tendance à s'essouffler. »
Le Figaro : « Sortie de route pour American Honey »
Europe 1 : « Un road-movie qui ne raconte rien et n'a aucun point de vue. »
Le JDD : « Faute de scénario, les clichés défilent. A l’arrivée, c’est la panne sèche pour la réalisatrice. »
France Info : « C’est filmé comme un clip, à part qu’un clip de trois heures, c’est long. »
Personal Shopper, d’Olivier Assayas
Le Monde : « Récit bancal, comédiens inégaux, piètre qualité des effets spéciaux. »
Le Figaro : « Les critiques sont sortis de la projection “perplexes”, jugeant le long métrage “grotesque”, voire “embarrassant”. »
Le JDD : « Un exercice de style pesant et stressant qui n’en finit pas. »
Europe 1 : « Scénario improbable, personnages transparents, pas de point de vue, raté ! »
L’Obs : « On oubliera assez vite ce petit accident d'auteur sans conséquence. »
Mal de pierres, de Nicole Garcia
Les Inrocks: « Un Nicole Garcia trop bourgeois et manipulateur »
Libération : « Garanti sans aspérité. »
L’Obs : « Presque sympathique de nullité. »
France Info : « Nicole Garcia […] s’est perdue dans son scénario. »
The Last Face, de Sean Penn
Le Figaro : « Mélo humanitaire écrit à la truelle et filmé comme un clip pour Médecins du monde. »
Libération : « Le foirage ethnocentré de Sean Penn laisse pantois. »
Le Monde : « Le cri hystérique d’une superstar en plein ego-trip. »
Télérama : « Tout est si constamment et obstinément ridicule que le message humaniste lui-même se dissout dans l'insignifiance. »
RFI : « L’Afrique mitraillée par les bonnes intentions »
La Fille inconnue, de Jean-Pierre et Luc Dardenne
L’Express : « Les Dardenne déçoivent »
Télérama : « Les Dardenne, moins bouleversants que d'habitude »
Le Monde : « Tarabiscoté […], le scénario finit par tarir le beau souffle du film. »
L’Obs : « Les Dardenne nous avaient habitués à (encore) mieux »
The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn
Le Monde : « [Le film] endosse en même temps la laideur, la vulgarité, la froideur, la rutilance et le mauvais goût, dans lesquels il finit par patauger allégrement. »
Le Figaro : « Le film sonne creux. Un handicap sérieux quand on présente un film au festival de Cannes. »
Vanity Fair : « Un univers dont la vacuité n’a d’égal que celle du propos du réalisateur. »
L’Express : « A force de jouer avec les clichés, Winding Refn se noie dans les poncifs. »
Moi, je veux bien …. Mais que valent les critiques-personnes qui descendent en flammes les films sélectionnés à Cannes ?
Entendons-nous bien : Cannes, c’est couru d’avance : les meilleurs films de l’année ne sont jamais sélectionnés. Cannes est un évènement consensuel, donc, sauf exception, les films sélectionnés et/ou primés sont, disons, moyens+, mais pas au delà.
Mais les critiques … Si on devait faire un florilège de tous les films à coté desquels les dits critiques sont passés et/ou ont flingué à vue, il faudra plusieurs tomes sur papier bible.
En résumé : on a des tocards qui se permettent de descendre des films parfois moyens, parfois pas mal, parfois passables. Tout cela n’est pas bien sérieux.
Prochain sujet d’article : comment devient-on critique (ciné, livres, etc …) ?
Vrai. Je passe ta remarque à l’auteur, je suis d’accord que le prochain papier devrait se pencher sur les critiques.
me642u
x66wib
jaqtym
v0eivc