Beauté fatale : le livre qui te change une femme
Il est des lectures qui sont irréversibles. Pour moi, il y aura un avant et un après Beauté fatale. Parce qu’on a l’impression de savoir, mais on ne sait pas.
On a l’impression d’être parfaitement au courant qu’on a été élevées, nous, les zouz, dans le souci permanent de notre apparence, de notre corps, et de la menace qui pèse sur nous s’il devait partir en cacahuète. Mais en vrai, en vrai de vrai, on ne sait pas.
Dans ce livre, Mona Chollet ne révèle aucun scoop. Elle part d’un constat : « Même si l’on soupire de temps à autre contre des normes tyranniques, la réalité de ce que recouvrent les préoccupations esthétiques chez les femmes fait l’objet d’un déni stupéfiant ». Ensuite, elle met tout simplement les éléments bout à bout. Et c’est de cette façon qu’elle démontre que nos réalités individuelles – avoir vu sa mère au régime toute sa vie, mettre de la mousse dans ses soutifs ou être secrètement ravie d’avoir une gastro qui nous allègera de deux kilos, font en réalité système.
Ces injonctions avec lesquelles j’ai grandi ont façonné ma manière de me percevoir et ma façon d’être au monde, à un point que je n’aurais pas imaginé. Autant l’admettre, les vingt premières pages de Beauté fatale m’ont collée une claque ; j’ai pleuré.
Comment imaginer que les films et les dos de kiosque, qui présentent systématiquement des corps irréels, puissent n’avoir aucun impact sur l’idée que nous nous faisons d’une femme « réussie » ? « Ils ont inévitablement un effet, car ils jouent sur des craintes et des failles très intimes, qu’ils ne cessent de titiller, d’entretenir », écrit Chollet. Nous avons échappé aux maternités subies et à l’enfermement domestique, mais pas à l’idée que notre valeur est proportionnelle à notre IMC (ami lecteur qui ne sait pas ce que c'est : 1- tu es un homme, 2- va voir ici si tu y tiens).
En l’an de grâce 2016, c'est toujours le regard d'un homme qui viendra confirmer ou invalider cette valeur. Il suffit de lire n'importe quel couverture de magazine féminin pour s'en convaincre. Un numéro de Biba, au hasard : « Vécu : mon truc de séduction le plus dingue » ; « Test : où on sera votre couple dans 5 ans », « Celib : c’est décidé, je drague sur le Net ». La femme n'existe qu'à travers l'autre sexe. Elle est encouragée à sortir son portefeuille à chaque page dans le seul et unique but de rester baisable. On peut dire qu'on n'est pas lectrice, reste que nous vivons dans ce monde-là.
Mona Chollet ne recommande pas nécessairement de brûler nos porte-jarretelles et nos mascaras. Elle parle des attributs « féminins » comme d’une culture héritée d’un temps où nous n’avions que ça. « Un peu comme les esclaves ont été amenés à développer certaines valeurs qui n’étaient pas celles des maîtres, ou comme le prolétariat, lui aussi, s’est constitué une culture propre, de résistance à la culture dominante ». Porter de l’attention aux détails d’un intérieur, être sensible au raffinement… Par atavisme, ces qualités sont plus développées chez les femmes, autant l’assumer.
Pourvu que mon ambition ne soit pas cantonnée aux quatre murs du foyer et qu’elle ait autant de canaux d’expression que celle des hommes, je veux bien continuer à me faire les ongles. Avec plaisir, même. Mais plus jamais comme avant.
Sacrée Mona ! Elle ne changera jamais ….
Elle va parler de normes qui font système plutôt que de servitude volontaire. C’est plus vendeur et ça flatte le goût pour la posture victimaire.
C’est vraiment gonflant.
Parce qu’il faut bien le dire : il se passe quoi si on envoie chier la girly attitude ? Réponse : rien. Personne va tondre celles qui enfreignent les codes, personne ne va les mettre au pilori en place publique et elles continueront à se trouver des mecs (puisque ça semble une préoccupation majeure). Elles vont juste éventuellement être regardées de travers par certain(e)s.
Tu vas me dire : tu es un mec et tu sais pas de quoi tu parles.
Sauf que non. J’ai des exemples de femmes qui ont envoyé chier le(s) code(s) et qui s’en portent très bien.
Tiens, par exemple : la mère de ma fille. Ca la fait braire de s’épiler alors elle fait pas le maillot, les aisselles et les jambes. Trash, hein ? Il lui est arrivé quoi ?
Rien.
Nada.
Queude.
Elle s’est un peu pris la tête avec sa mère et/ou des copines à elle, mais bon, ça se gère et ça permet aussi de faire le tri. Comme méchant système coercitif, j’ai vu mieux.
Et puis comme elle le dit elle-même : ça permet d’éliminer les blaireaux d’emblée.
Alors à ce stade là, on peut se demander ce qu’il faut faire : écouter toutes les Mona Chollet du monde qui flattent la passivité ou un peu ruer dans les brancards (sans grands risques) ?
C’est vrai, c’est la limite de Mona Chollet, selon moi. Elle compare l’oppression girly/maquillage à celle du voile par exemple, je suis d’avis que ça n’a rien à voir. Justement parce que les conséquences, si on décide de ne pas s’y conformer, ne sont pas du tout du même ordre.
En revanche, ça n’empêche pas que l’influence de ces normes est considérable. Je ne m’étais pas rendue compte d’à quel point j’ai été influencée par ce contexte. Pour moi, ça a été un choc, et je suis très reconnaissante à Mona Chollet de me l’avoir prodigué. En ce qui me concerne, ça n’implique ni de chouiner sur ma condition de victime, ni d’arrêter de m’épiler. Mais je crois sincèrement qu’elle m’a rendue plus intelligente, et qu’elle m’a fait avancer dans ma connaissance de moi. Et de mes camarades femelles.
Ha là, je suis d’accord. Oui, bien sûr, que les normes sont normatives 🙂 et je suis toujours frappé par le fait que des femmes vraiment brillantes se prennent la tête avec des trucs totalement nazes et mineurs – et dont un bon paquet de mecs se foutent (se foutent de leur application ou de leur non-application), ce qui est quand même un comble.
Mais à mon avis, puisque tu en parles : « En ce qui me concerne, ça n’implique [pas] d’arrêter de m’épiler », la vraie question est « pourquoi », pourquoi ne pas arrêter de le faire ? S’il y a système contraignant, c’est étrange d’approuver en définitive et d’en faire une sorte de truc positif (un élément de la « féminité », quoi que ça puisse signifier).
En inversant le bidule, on pourrait dire : le système-normes impose aux hommes d’avoir des grosses voitures (et en plus, c’est vrai). C’est certes très con et inutile, mais je vais continuer à me casser le cul pour acheter des grosses voitures parce que au final ça me permet de me positionner en tant qu’homme et donc c’est chouquet comme tout.
Ca fait bizarre, non 🙂 ?
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