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Astuce : lire Martin Eden et faire des rencontres


Martin Eden, de Jack London Ami lecteur, sache que quand tu poses un livre de Jack London sur la table d'un café, il se trouvera toujours quelqu'un pour te dire : "Raaaaaaaa, Jack London... C'est extraordinaire Jack London, pas vrai ?". Au début, ton amie journaliste était un peu embêtée. Je le dis tout-de-go : les deux premiers tiers de Martin Eden m'ont ennuyée. C'est beaucoup, deux tiers. Et pourtant, ça vaut le coup de s'accrocher.

Martin Eden est un jeune marin, un type illettré qui a passé sa vie à se cogner avec d'autres types illettrés, ou à coucher avec des filles aux mains calleuses entre deux voyages en mer.

Un jour, il est invité dans une maison très chic à Oakland, en Californie. Il ne s'y sent pas très à l'aise. Mais il y fait la rencontre de Ruth, une jeune femme très pâle, très érudite, pétrie de valeurs bourgeoises (et au final con comme un bol). Il en tombe amoureux, et décide de devenir quelqu'un d'autre pour la conquérir.

Comme il a un peu de goût pour la poésie, il commence à lire, beaucoup. Il rattrape ses années d'inculture à coups d'heures passées à la bibliothèque. Il travaille comme un acharné, et se met aussi à écrire, tout le temps. Il devient un forcené du Bescherelle (ou équivalent de l'époque), un fana du Lagarde et Michard (t'as compris).

Son langage devient plus châtié, ses écrits plus sophistiqués. Ruth, qui a très envie de se faire attraper par la bête (elle est fascinée par la largeur de sa nuque), cède à ses charmes, mais ne capte rien à sa production littéraire. Elle lui répète obstinément de laisser tomber la plume pour se trouver "une situation". Sans quoi ça va être compliqué de se marier, rapport au fait que Martin vit dans une chambre insalubre et qu'il mange à peu près une fois par semaine.

L'ami Jack prend le temps d'installer la situation. Mais une fois que c'est fait, ami lecteur, c'est fulgurant. Martin Eden se prend en pleine gueule l'hypocrisie d'une société volatile et moutonnière. S'étant extrait de son milieu prolétaire, incapable de souscrire aux crasses de la bourgeoisie, il se retrouve apatride. Seul comme un chien au milieu d'un monde qui finit par l'acclamer, après l'avoir laissé crever de faim.

Il semblerait que le roman soit largement inspiré de la vie de Jack London lui-même... Ça le ferait sans doute bien marrer d'entendre ses lecteurs d'aujourd'hui se gargariser de son œuvre sur les terrasses des cafés. Tant pis, ton amie journaliste sera la prochaine à le faire quand elle verra quelqu'un avec Martin Eden entre les mains.



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